samedi 26 février 2005

Dire...

On tire des mots à bout portant prétextant la conviction de ses sentiments et de ses idées. Le hic, c’est que le langage utilisé ne se convainc pas lui-même, sans âme. On ne mesure plus la portée de ses mots et «seuls les fous ne changent pas d’avis» est voué à une surexploitation existentielle qui revêt des airs de canal météo, au jour le jour et d’heure en heure. Pire encore, on devient journaliste de tribune à la con parce qu’on voit, on devine et on commente. La responsabilisation sans savoir qui on est et sans avoir une ouverture à l’autre n’est qu’une piètre illusion.

Savoir vivre avec ses blessures et ses peurs et les amoindrir au fil des jours n’est pas une histoire sans fin. Mais tout ça n’a pas de durée préétablie. Les blessures surviennent et font mal, puis on a peur. Comme lors de notre première chute à vélo, quand on a été des semaines sans même vouloir (ni pouvoir) le regarder car seulement la vue de cet engin nous faisait mal mais nous faisait affreusement peur aussi. Même le vélo du petit voisin a fait rejaillir dans notre imagination le sang du genou fracassé sur le trottoir quelques jours plus tôt...

Mesurer les mots et les gestes et, surtout, leur impact est une chose que bien peu de gens savent faire. On avoue des sentiments en se disant qu’on peut changer d’avis le jour suivant, on se les désavoue à l’avance, on se déresponsabilise intérieurement, on ne se responsabilise pas envers l’autre.

Si je te dis «Je t’aime», je le redirai encore dans 3, 7 ou 37 ans. Parce que je n’aime pas pour 3, 7 ou 37 jours. Mais je ne te le dirai jamais par convention ou par pur égoïsme. «Quand j’aime une fois, j’aime pour toujours» de Richard Desjardins me va tout à fait. Je t’aimerai différemment, soit, mais je t’aimerai. Toujours.

Je me tromperai et je ferai des erreurs, c'est certain. Mais je dirai toujours doucement, lentement. Jusqu’à tout te dire. Pour que nos mots s’entendent. Pour que nos gestes se touchent. Je ne devinerai pas non plus. Je ne renierai pas ce que tu vis, je le vivrai avec toi. Je ne t’empoisonnerai pas avec tes peurs, je leur parlerai pour qu’elles aient une folle envie de «last call».

Et lorsque mes yeux connaîtront la lumière bleue du soleil des océans, je te dirai «je t’aime».