lundi 13 juin 2005

La chose

Elle était on ne peut plus réveillée ce matin. Plus que moi. Quand je l’ai vue, elle tendait un moment vers la droite, puis vers la gauche, puis tout droit. Comme si elle cherchait - sans trouver - le chemin pour se rendre au but qu’elle s’était fixée.

Je ne sais pas pourquoi elle s’est retrouvée là. J’ai dû avoir un moment d’égarement. J’avais le cerveau détrempé du Ricard de la veille – en autant que l’on puisse nommer veille les deux heures avant la sonnerie du réveil. C’est sûrement ça. Jamais je n’aurai laissé s’approcher une telle horreur à trois mètres. En temps normal, même à dix mètres je l’aurais flairée et je me serais poussée.

Je sentais encore les marques de l’oreiller sur ma joue et mes yeux n’étaient pas tout à fait bien ouverts encore. Mais faut aller gagner sa vie ! Déjà la perspective de retravailler à Montréal quelques mois m’avait plu et je me voyais déjà dans un wagon du métro, journal d’une main et café de l’autre. N’importe quoi pour m’éviter la route et les changements de vitesse. Vraiment, je découvrais même une certaine saveur à l’odeur souterraine !

Revenons à la chose. Blanche. Non. Blanc sale. Même pas. D’un beige que je ne pourrais jamais refaire d’un premier coup de mélange d’acrylique assurément. Même brun en partie j’aurais juré. Mais je vous l’ai dit, je n’étais pas tout à fait réveillée, alors elle était peut-être plutôt grise aussi. Il se peut.

Est-ce que la couleur a vraiment de l’importance ? Pas du tout. On s’en fout de la couleur. Le principe est que cette chose ne devait pas être là. Parce que dégueulasse, parce que sale, parce que pleine de bactéries. Et parce que. Bon.

Je zieutais cette chose. Tellement qu’elle a dû en être gênée. Du moins mal à l’aise. Jamais je croirai. Et je n’étais pas seule à la regarder. Elle a pris son trou - ou trouvé son chemin, c'est selon votre tendance du moment - quand j’ai dit d’un ton ferme aux jeunes yeux bruns d’à-côté qui avait aussi l’air d’un lendemain de veille…

HORREUR… Y’A UN RAT SUR LE QUAI !!!

mardi 7 juin 2005

Pleurs

Elle tremble ce matin. Douleur de peur. Je le sais. On lui arrachera ce qu’elle a de plus précieux. On lui arrachera le cœur. Et on prendra au passage celui du père. On lui arrachera ce qui s’est déjà arraché à elle il y a près d’une semaine.

Elle n’a pas attendu ceux qui l’attendaient. Peut-être avions-nous tellement d’amour qu’elle a décidé que c’était trop. Peut-être voulait-elle seulement jouer à cache-cache un peu et s’est fait prendre à son propre jeu. Peut-être était-elle trop bien et que ça ne lui disait rien de sortir de là vivante. Elle avait envie de voyage je crois. Envie d’être partout à la fois. Elle avait envie d’éternel. Sans doute aucun parce que trop de doutes.

Elle a sûrement rejoint le ciel
Elle brille à côté du soleil
Comme les nouvelles églises
Mais si depuis ce soir-là je pleure
C'est qu'il fait froid dans le fond de mon cœur
(C’était l’hiver, Cabrel)

Noir silence. Alex Rafaëlle n’est pas arrivée à bon port. Elle s’est noyée dans l’océan de sa mère, un jour de plein soleil à 30 degrés. Trente-deux semaines d’amour avant la fin du monde.

Silence noir. J'aurais voulu partir à sa place.