mercredi 26 octobre 2005

Aveugle

Il faisait si froid que mes larmes gelaient à mesure ce jour-là. Le jour J du retour de l’enfant prodigue. Plus tard, j’ai compris qu’il n’y en avait pas eues, même pas une seule. Comme le jour où il m’a annoncé, bien installé dans un rôle dramatique qu’il s’était forcé de trop bien travailler, qu’il partait pour deux ans.

La veille de son départ, nous nous sommes saoulés et nous n’avons pas dormi, trop occupés à défaire les draps et à ravager nos corps de l’empreinte de l’autre.

Le départ fut d’un calme presque dangereux. Au lever, nous avons déjeuner en paix, quelques regards rapides en coin, comme deux étrangers dans un café. Lui, assis et lisant La Presse, avalant un croissant farci aux confitures de fraises; moi, par terre, presqu’à ses pieds, café au lait d’une main et crayon de l’autre, à feuilleter Carrières et professions sans aucun but précis sinon celui de me demander si je devais changer de vie. J’ai senti sa main sur ma joue, puis j’ai relevé la tête pour lui envoyer un baiser et je me suis précipitée dans ses bras.

Il n’y avait plus rien à dire déjà. Plus tard, on a remisé sa voiture dans l’Ouest de la ville et on est revenu en train. J’ai tenu sa tête entre mes mains, puis ses mains, puis ses genoux, en imaginant ce qui se passait dans son regard que je fixais pour y trouver non pas des réponses mais les questions qu’il n’avait jamais posées. J’y ai trouvé des sourires mais aucune interrogation.

Nous étions un peu comme des aimants. Depuis le temps. Avec le temps. Incapables de vivre l’un sans l’autre, incapables de vivre l’un sur l’autre. La plupart des saisons, c’est ensemble qu’on allait le mieux, qu’on ne cherchait plus parce qu’on avait trouvé l’important. Et ça n’était pas la rose. Et il y avait des instants où le désir de liberté était le plus fort, où tout nous éloignait naturellement, sans effort aucun. On se quittait pour mieux se trouver et se retrouver. Chaque fois on se reprenait mutuellement, en toute conscience et en toute connaissance de cause, plus fort encore que toute les fois précédentes.

Lorsqu’il a fait ses bagages, il a laissé son t-shirt vert dans mon tiroir. Je lui ai donné mon pull préféré. Finalement, on les a enfilés juste avant de téléphoner au taxi. On s’est dit que ce serait bien de sentir l’autre après, de mes deux pieds sur terre à sa tête dans les airs.

Il y a eu la nuit, puis l’ennui a pris la relève. Il manque un côté de moi, celui du soleil.

Il y a des départs qui sentent mauvais, même quand on ne veut rien y voir.

samedi 15 octobre 2005

!

Il y a les malentendus des malentendants. Ceux qui ne veulent rien entendre et qui revendiquent le droit à être bien entendus, bien entendu. Pourtant…