jeudi 10 novembre 2005

Le revenant

C’est un message envoyé à nos deux adresses de courriel qui a fait la différence. On ne s’en envoyait plus depuis des lunes, depuis notre dernière engueulade en fait. J’avais mis un diachylon là où ça faisait mal en me promettant d’oublier son nom, ce que je fais avec brio d’habitude. Cette fois, ça m’avait seulement permis de constater combien il me manquait, malgré son dernier appel téléphonique que je n’avais pas retourné.

J’ai décidé de lui envoyer un mot. Pour rien, sans penser à quelque chose de très net, juste parce qu’un «@» et quelques lettres avant et après m’ont fait sourire. Des souvenirs, de bons moments et surtout un alphabet lancé à la volée qui n’a donné qu’un jeu de gros mots. On était bien loin d’une performance au Scrabble ! On a beau dire, le temps arrange les choses. On relativise peut-être, on comprend mieux peut-être aussi.

Ce mot ? «Je t’aime… et si on allait luncher…» Il y a des gens qu’on doit surprendre; il en est. Il me connaît trop bien pour s’imaginer qu’un simple bonjour comment vas-tu n’est pas tout à fait moi. On voit grand ou ça ne vaut pas la peine; j’en suis. Réponse brève à question du même genre «Jeudi 19 h, Byblos ! xox».

Si ma mémoire ne fait pas défaut, je n’ai jamais arpenté autant de rues à la recherche du «outfit» parfait que les jours qui ont suivi. Comme si l’image devait être soigneusement emballée pour un effet d’intéressement plus probable. J’ai donc misé sur des sessions d’essayage intensif qui ont eu pour seul effet le «pas assez bien roulée» qui donne à toute fille qui se respecte la déprime à coup sûr ! Bien sûr, j’ai d’abord sorti tout ce que j’ai chez moi et ai décrété, par l’effet ravageur des images de mon «Miroir, oh miroir !», que je ne parviendrais jamais à la tête du peloton. Malgré tous les tours de passe-passe, aucun vote unanime.

Bref, j’ai finalement réussi à acheter – lire : les préposées à la vente ont finalement réussi à me vendre – un tas de vêtements inutiles que je peux endosser avec l’assurance d’avoir l’air d’une poche de patates… et mon miroir peut confirmer ses dires haut la main ! J’ai essayé tant bien que mal de coordonner les nouveaux vêtements avec les anciens; même là, je me suis avouée vaincue, avec un air tombeur et parée pour l’Halloween.

Et comme on ne peut pas toujours prévoir tout, le jour du rendez-vous j’ai été tellement débordée que je n’ai pas eu une minute pour passer à l’appartement. Entre le retard et le jeans avec col roulé que je portais, j’ai pris la deuxième option. Et vlan pour la carte de crédit qui a perdu ses bonnes vieilles habitudes de tiroir pour rien !

Bien sûr, tout allait pour le mieux ! Pas de stationnement en vue, 5 minutes avant 19 h, une chaleur intenable dans la voiture tout d’un coup. Et quand je me suis vue dans le rétroviseur, l’effet n’a pas seulement été celui de découragement mais l’envie de prendre la direction d’un pont. Ça aurait fait de l’effet ou du moins les manchettes… Une jeune femme décide de s’enlever la vie après avoir vu l’état de ses cheveux, en plein trafic, sur la rue Laurier, hier soir à Montréal. Bon. On se calme ! Il a quand même vu cette crinière 365 matins pendant 2 ans et il est toujours en vie. Donc, logiquement, il peut en prendre encore un peu !

Finalement, un espace pour garer la voiture. Il était temps. J’allais entrer dans le resto quand une main à pris la mienne. Je ne me suis pas retournée tout de suite. J’ai senti la chaleur de sa peau et le croisement de ses doigts avec les miens, comme pour enterrer le passé. Puis je me suis retournée.

Depuis, j’ai cette chanson de Mort Shuman dans la tête…
My name is Mortimer
Je suis venu de loin
Que tu sois là, que tu sois là près de moi
Ca va me faire du bien
My name is Mortimer…

Le monde ne bougeait pas encore. Je me suis levée et je suis restée là pendant un moment à le regarder. Il avait un sommeil de gamin heureux, un peu souriant. J’avais pensé la veille qu’il avait probablement changé depuis le temps. Mais non. Les cheveux un peu plus longs, mais c’est tout. Aussi séduisant.